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Narcos


Loin d’un simple biopic de Pablo Escobar, Narcos retrace la lutte acharnée des États-Unis et de la Colombie contre le cartel de la drogue de Medellín, l’organisation la plus lucrative et impitoyable de l’histoire criminelle moderne. En multipliant les points de vue — policier, politique, judiciaire et personnel — la série dépeint l’essor du trafic de cocaïne et le bras de fer sanglant engagé avec les narcotrafiquants qui contrôlent le marché avec violence et ingéniosité.

On n’attendait peut-être pas trop d’une saga sur l’énorme, le criminellement mythique, l’irracontable Pablo Escobar, baron de la drogue dans la Colombie mise à feu et à sang des années 80, une ère de stupre et de violence marquée par l’essor mondial de la poudre blanche. La surprise créée par la nouvelle série mise en ligne par Netflix n’en est que plus excitante.

Narcos aurait pu tenter le diable, copier inutilement d’éventuels modèles aux relents baroques et tragiques comme Scarface de Brian De Palma. Elle prend d’autres chemins pour narrer les tours et détours de la cavalcade hors-la-loi d’un homme, mais aussi la terreur frappant le pays, l’atteignant jusque dans ses structures, la folie d’une époque. Rien que ça.

Des meurtres, du sang, des explosions

Elle possède l’immense qualité d’avancer à son rythme, celui que les séries contemporaines autorisent, tour à tour lascif et tendu. Des meurtres, du sang, des explosions ? Oui, mais ce sont des événements parmi d’autres, dans le flux du temps qui passe et des étaux qui se resserrent, fascinants.

Tout commence avec un pas de côté. Celui qui relate l’aventure en voix off n’est pas mister Escobar, mais un flic américain lancé à ses trousses, qui balance façon cow-boy les infos dont on pourrait manquer, permettant à la série de raconter, visuellement, autre chose qu’une simple succession de faits : des odeurs, des corps, des regards. Cet appui au récit, à la fois informatif et romanesque, résume bien l’esprit de Narcos, sa précision dans l’intime comme dans ce qui englobe les destins individuels.

Réalité hallucinante

Au cours des premiers épisodes, l’ascension du narcotrafiquant puis la naissance du cartel de Medellín font l’objet d’une étude fouillée. Les circuits de la drogue et de l’argent imprègnent la chair de l’image – l’ombre dugrand Casino de Martin Scorsese plane alors légitimement –, les ramifications internationales de la crise et l’implication de l’Amérique de Reagan, empêtrée dans sa doctrine anticommuniste, ne sont pas ignorées. Sources documentaires à l’appui (reportages TV d’époque, photos…), la série effectue d’incessants allers-retours entre les situations réelles et les reconstitutions.

Ce choix pourrait lasser. Il a pour effet de rendre la fiction encore plus désirable, tant la réalité décrite est en elle-même hallucinante – une référence bienvenue au “réalisme magique” introduit d’ailleurs le premier épisode. Lancé dans une marche en avant sans précédent, riche en tant que personne comme peu de pays pouvaient l’être, Escobar possédait à une époque plus de huit cents propriétés, gagnait 60 millions de dollars par jour, mettait à prix la tête des flics pour un demi-million, pouvait faire sauter un avion… Il était le dirigeant virtuel de la Colombie, jusqu’à un certain point. Une réalité que les créateurs de Narcos Chris Brancato, Carlo Bernard et Doug Miro auscultent sans répit. L’aspect politique de la série est même l’un des plus intéressants.

Brute sanguinaire

Si tout n’est pas parfait – la seconde moitié de la saison surprend moins que la première –, Narcos réussit le tour de force de ne pas caricaturer son personnage. Escobar a été l’un des plus grands pirates de la fin du XXe siècle – tout en essayant un temps de se faire passer pour Robin des Bois – mais son statut de brute sanguinaire ne se déploie qu’au fur et à mesure, presque par inadvertance. L’acteur brésilien Wagner Moura, vu dans Troupe d’élite – L’ennemi intérieur de José Padilha (lequel a réalisé les deux premiers épisodes de la série), entre dans ses chemises avec un calme et une bonhomie captivants. Il fait penser au Benicio Del Toro du Che de Soderbergh, voire à Edgar Ramírez dans Carlos d’Olivier Assayas, dont Narcos est comme le petit frère agité.

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