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Mr. Robot

  • rondelivres
  • 4 juin 2016
  • 5 min de lecture

Elliot Alderson est un jeune informaticien vivant à New York, qui travaille en tant qu'ingénieur en sécurité informatique pour Allsafe Security. Celui-ci luttant constamment contre un trouble d’anxiété sociale et de dépression, son processus de pensée semble fortement influencé par la paranoïa et l'illusion5. Il pirate les comptes des gens, ce qui le conduit souvent à agir comme un cyber-justicier. Elliot rencontre « Mr. Robot », un mystérieux anarchiste qui souhaite le recruter dans son groupe de hackers connu sous le nom de « Fsociety ». Leur objectif consiste à rétablir l'équilibre de la société par la destruction des infrastructures des plus grosses banques et entreprises du monde, notamment le conglomérat E Corp. (surnommé « Evil Corp. » par Elliot) qui, par ailleurs, représente 80 % du chiffre d’affaires d’Allsafe Security.

La première saison de “Mr Robot” vient de se terminer outre-Atlantique. Une fable politico-cynique que l’on suit avant tout pour son héros parfaitement fou, perdu entre illusions et réalité.

[Cet article contient des spoilers sur toute la première saison de Mr. Robot]

Les yeux de Rami Malek s’agitent constamment, de droite à gauche, de haut en bas. L’acteur qui joue Elliot Alderson, le hacker de génie perturbé, star de la série Mr. Robot, est un concentré de tension. Quand il parle, les mots s’embourbent dans sa bouche et sortent moitié mâchonnés, moitié expulsés, comme une corvée dont il faut se débarrasser.

Elliot Alderson est plus qu’un antihéros comme on a désormais l’habitude d’en voir sur le petit écran ; il est une créature à part, qu’on a envie de suivre en prenant surtout soin de ne pas l’effrayer. Mr. Robot, c’est lui. Le téléspectateur devra attendre neuf épisodes avant de le comprendre, ou du moins d’en avoir la certitude. Jusqu’à ce point, Mr. Robot était incarné par un homme aux allures de professeur-savant fou mal rasé à la casquette de baseball vissée sur la tête, incarné par l’erratique Christian Slater.

Dans un twist Fight-clubesque attendu par certains, la série révèle que cet homme n’est autre qu’une projection de l’esprit d’Elliot qui a pris la forme de son père décédé. Mr. Robot, l’homme qui cherche à provoquer une révolution financière en hackant la plus grande multinationale du monde et le pirate drogué ne sont qu’une seule et même personne.

La série derrière le twist

Une révélation de cette envergure, aussi tard dans le fil narratif d’une saison, est d’une audace incroyable. Le genre de retournement de situation que l’on attend uniquement dans un long métrage de deux heures, que l’on pourra revisionner quasiment dans la foulée pour essayer de se réapproprier l’histoire à la lumière des nouvelles informations. Ici, c’est une saison entière qui est transformée. Pour les moins assidus, le site Vulture a préparé un montage des scènes dans lesquelles Elliot côtoie “Mr. Robot”.

L’exercice est ludique, mais il a presque tendance à dénaturer la série, cette pépite qui tenait déjà debout sans ce twist à la limite du superflu. La beauté de Mr. Robot est nichée dans trois aspects complémentaires : son esthétique, son cynisme politique et la complexité de son héros.

A part quelques plans parfaitement symétriques, les scènes sont généralement filmées de manière désaxée, laissant souvent beaucoup d’espace au-dessus des protagonistes. La caméra fixe un point et ne bougera pas, même si les acteurs sortent du champ ou se rapprochent de l’objectif, comme lorsque Elliot tente de soutirer des informations à la femme de Tyrell dans une des meilleures scènes du dernier épisode de la saison.

Tyrell Wellick (l’angoissant Martin Wallström) est un cadre supérieur de E Corp, la multinationale – renommée Evil Corp par Elliot – que Mr. Robot rêve de faire couler. Tiré à quatre épingles le jour, il paie un SDF le soir pour avoir le droit de le battre – non sans avoir enfilé au préalable une paire de gants blancs en latex. Au fil des épisodes, Tyrell s’affirme comme l’alter ego maléfique d’Elliot, avec ses talents de hacker mis au service d’E Corp, ses yeux exorbités et sa détermination à éliminer (au propre comme au figuré) tous les obstacles qui l’empêchent de monter en grade.

“Est-ce qu’il suffit vraiment juste de ça pour tuer le monde?”

Elliot, ou Mr. Robot, est prêt à bouleverser l’économie mondiale pour provoquer une révolution sans précédent. C’est le côté politique de la série, qui créé une “utopie” dans laquelle le système financier s’est écroulé et toutes les dettes ont été effacées. Une fois le piratage réussi, les puissants commencent ainsi à “courir dans tous les sens” tandis que des milliers d’inconnus revêtissent un masque à peine différent de celui des Anonymous et se rassemblent sur Time Square pour célébrer l’échec du capitalisme.

Entre les scènes de fiction sont intercalées des images d’archive de Barack Obama, Angela Merkel et leurs homologues en train de faire des discours pour rassurer leur population à la télé, tandis que la voix-off d’Elliot, grave et doucereuse, résonne:

“Je me demande à quelle étape ils en sont. Dans le déni? Peut-être qu’ils se murmurent ‘On peut encore réparer ça’. Peut-être qu’ils sont en train de forcer leurs informaticiens à faire des heures sup pour décrypter nos données. Ou bien ont-ils enfin compris que Darlene a tout crypté et que ça prendrait un temps incompréhensible à pénétrer. Que toutes leurs données ont vraiment disparu. Pour de bon.”

Et de continuer

“Un simple programme peut rendre toutes ces données illisibles. Un virus créé en 2 heures. Est-ce qu’il suffit vraiment juste de ça pour tuer le monde?”

Le cynisme politique de Mr. Robot, pourtant relativement convenu, réussit à avoir une résonance sourde qui prend aux tripes. Lorsque Christian Slater se lance dans une tirade sur la notion de réel au beau milieu de Time Square :

“Est-ce que tout est vraiment réel? Un monde construit sur du faux. Des émotions synthétiques sous forme de médicaments, des guerres psychologiques sous forme de publicité, des produits chimiques qui bousillent le cerveau sous forme de nourriture, des séminaires de lavage de cerveau sous forme de média, des bulles contrôlées et isolées sous forme de réseaux sociaux.”

“Est-ce que tu as oublié qui j’étais?”

Elliot parvient finalement à faire abstraction du monde qui l’entoure et se retrouve seul sur la place déserte, où il réalise que le “Mr. Robot” qu’il a créé ne partira pas, car il était nécessaire à sa survie. Elliott est malade : il oublie régulièrement qui il est et qui sont ses proches. C’est ainsi qu’à la fin de l’épisode 8, alors qu’il se penche pour embrasser Darlene, elle s’extirpe avec dégoût avant de lui demander s’il a “oublié qui elle est”. La scène dure à peine quelques minutes et pourtant elle sublime huit épisodes qu’ont passé scénaristes et réalisateurs de la série à mentir aux téléspectateurs, pour leur plus grand plaisir.

On se doutait déjà qu’Elliot n’était pas un narrateur fiable ; la réalité que nous présente le créateur de Mr. Robot Sam Esmail est souvent altérée (E Corp devient “Evil Corp” dans la bouche des personnages, comme si de rien n’était). Mais qu’il ne soit pas capable de déterminer le vrai du faux au point d’en oublier son passé et ses proches relève de la pathologie, et transforme la série en une expérience surréaliste encore plus savoureuse. La remise en cause du néolibéralisme a beau être stimulante, elle passe au second plan derrière ce héros magnifique et fou. Reste à espérer que la saison 2, déjà commandée par la chaîne USA Network, ne se laissera pas aspirer par une intrigue conspirationniste et se laissera avant tout guider par les errements de Mr. Robot/Elliot, dont les motivations n’ont même pas encore été abordées.

 
 
 

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